Si je pouvais briser ces chaînes
Le reste ne serait rien
Je descellerais ces pierres sous le flot de mon sang
Je romprais ces barreaux à force de crier
Je boirais l'ombre qui m'étreint morceau par morceau
Pour te rejoindre, toi
Qui m'attends tout en bas
Aux portes de la tour
Ma tour d'exil et de lointain silence
Dont les linceuls croisés de peurs immatérielles
Me retiennent m'entravent et me voilent ton cœur
Me repoussant au fond des grottes rouges et noires
De mes cauchemars inhumains
Ceux que tu ne peux voir
Et qui vivent seuls, loin de tes mains et dévorants
Loin de la clairière vide où tu pourrais m'atteindre
La tour a cent et mille étages
Et les marches traîtresses qui y montent parfois
Dans leur silence ignoble de pierraille malfaisante
Sont innombrables
Lorsqu'elles cèdent sous le poids rauque
Des songes de vase subtile qui dévastent les lieux
On entend durant des siècles leur terrifiant vacarme
Et la tour reste là, défiant Dieu lui-même
De ses hauteurs vaniteuses
Et de son sommet inconnu qui m'enserre
J'apprendrais à voler
Depuis l'étroite meurtrière, si elle existait
Je sauterais du fond des profondeurs
Pour franchir, du plus grand désespoir
Les dimensions qui nous séparent
Et m'écraser dans ton sourire
Aux portes de la tour
Si tu savais comme mon cœur hurle
De savoir nos regards si proches de s'atteindre
Pour se river à nouveau l'un à l'autre à jamais
Nos mains prêtes à se prendre
Nos corps près de s'étreindre
Mais mes cris se perdent, noyés dans les murailles
Qui rient trop fort, impitoyables et presque désolées
Tu m'attends chaque matin
Lorsque le soleil, enfin, promet de se lever
Mais il n'est pas pour nous
Et sa chaleur m'est à jamais inconnue
Sa clarté oubliée de mes yeux transpercés
Et chaque nuit
Le désespoir au ventre et le cœur dans tes larmes
Les mains tendues vers ton calvaire
Et tant brûle mon cœur abhorré
Que bientôt l'incendie prendra
Brûlant roc et métal en mille fournaises de haine
La tour s'effondrera mais pour nous réunir
Mourants à force de chercher
Enfin serrés l'un contre l'autre
Dans nos bras épuisés
Entre nos mains perdues
Et fondre pour jamais
Nos cœurs de cendre mêlée
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