Merci à Gemme pour ce petit espace "déviant". Je suis parti pour en abuser!
Il est convenu de reconnaître que la fiction dépasse la réalité. Il est aisé de prendre la réalité, de la tordre, de la soumettre à la crise démiurgique d’un auteur en mal d’univers et voilà un joli monde imaginaire, avec une louchée de science-fiction ou une pincée de magie (les goûts et les couleurs, hein…).
Mais en de rares ( ?) occasions, on peut entendre que « la réalité dépasse la fiction ». Diable. La réalité serait capable de nous pondre un enquêteur plus habile que Sherlock Holmes, un soldat plus balèze que Rambo, ou une éponge plus drôle que Bob ? Mouaif. Evidemment, tout est possible, et la sensibilité de chacun joue pour beaucoup. Mais il faut bien admettre que cette expression – « la réalité dépasse la fiction » – est le plus souvent le fait d’un journaliste en mal d’inspiration.
Mais là, je viens de finir la relation du voyage de Magellan par Pigafetta et… mazette ! Ca n’a rien d’imaginaire, et pourtant, ça m’a transporté. Je ne sais plus qui disait que « le passé est un autre monde » (sans doute ce qui m’attire dans l’histoire) et là, on est franchement ailleurs, donc je pense que ça devrait plaire à tous les amateurs d’imaginaire : Magellan est un capitaine portugais placé à la tête d’une flotte espagnole, il doit d’abord affronter le mécontentement des puissants d’Espagne comme Juan de Cartagena placés là par le roi pour le surveiller. Le mécontentement dégénère en mutinerie, qu’il met au pas par la ruse et par la force, plaçant les quelques rares Portugais de l’expédition à des postes-clefs. Un des navires, le San Antonio, finit par abandonner l’expédition et rentre en Espagne, chargeant Magellan de tous les maux. Le Santiago fait naufrage.
Les trois navires survivants traversent le Pacifique : pas de bol, alors que cet océan fourmille d’îles en tous genres, ils ne rencontrent que deux misérables îlots et l’équipage se retrouve peu à peu décimé par le scorbut. Et quand l’expédition parvient enfin aux fameuses « îles à épices », but de l’expédition, c’est pour se rendre compte qu’elles sont dans la sphère réservée aux Portugais. Magellan, sans but, désespéré, ne peut rentrer ainsi bredouille en Espagne, tente de s’immiscer dans les affaires locales pour affirmer la puissance espagnole et tombe au combat en protégeant héroïquement (et bêtement : il a refusé que ses alliés indigènes n’interviennent, pour faire une démonstration de la puissance des armes espagnoles) la retraite de ses hommes vers les navires. La Concepcion finit incendiée, faute d’hommes. La Trinidad, le navire-amiral, ne peut rentrer, car elle est complètement bouffée par les vers et elle est abandonnée à son sort avec ses hommes d’équipage (voués à un destin tragique). Seule la Victoria entame le long voyage de retour. Et quand, épuisés et affamés, les hommes relâchent au Cap-Vert portugais, la moitié est arrêtée (c’est louche, des Espagnols revenant des Moluques - portugaises ! – avec un plein chargement de clous de girofle) et la Victoria ne peut qu’appareiller à la hâte sans avoir terminé son ravitaillement.
Ce sont finalement 18 hommes – sur les 237 du début – qui arriveront à Séville après avoir bouclé le premier tour du monde – alors que cela leur avait été expressément défendu par le roi au départ.
Pigafetta fait partie de ces survivants et nous a légué son manuscrit, le récit le plus complet du voyage, émaillé des descriptions des peuples qu’il rencontre, de leurs coutumes et de leurs langages.
Bref, je trouve que c’est un des plus fascinants récits de voyage et il y aurait largement matière à en faire une version romancée!
Désolé d'avoir fait si long!